Plusieurs salons d’artisans ont été annulés ou auront lieu virtuellement cette année. Puisque ces évènements sont habituellement de bonnes occasions pour rencontrer les gens derrière les œuvres, La Presse a décidé d’aller vers cinq d’entre eux.

L’envoûtant verre soufflé de Jérémie St-Onge

Les vases de Verre d’onge, souvent présentés en petits ensembles, ont quelque chose de spectral. Leur surface dépolie se laisse flatter doucement par la lumière. On dirait presque de petits personnages tout juste sortis du brouillard d’un monde habité par les songes. Ils sont l’œuvre du souffleur de verre Jérémie St-Onge, 24 ans, qui aime bien « laisser les formes divergentes se manifester d’elles-mêmes ».

PHOTO LOUCAS CORBEIL, FOURNIE PAR VERRE D'ONGE

Les vases de Verre d'onge

Jérémie St-Onge a commencé à souffler du verre un peu par hasard. « J’ai participé à une journée portes ouvertes au cégep du Vieux Montréal, où il y a un programme de verre soufflé, et ça m’a vraiment accroché », dit l’artisan, qui poursuit son apprentissage, quelque six ans après ce premier contact, à titre d’aide-souffleur à l’atelier Baba Jaga, non loin de Coaticook, en Estrie.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Jérémie St-Onge, souffleur de verre

On peut choisir le verre sur un coup de tête, donc, mais on ne devient pas souffleur sans y mettre l’effort et le temps. Jérémie St-Onge a consacré de longues heures à perfectionner son savoir-faire. « Tous les week-ends, tous les étés », il les a passés près des fournaises à apprivoiser une matière capricieuse. « Un faux mouvement, un seul geste, peut changer complètement le résultat, dit-il. C’est très long avant d’être techniquement à l’aise avec le verre. »

PHOTO FOURNIE PAR LE SOUK

L’ensemble de Verre d’onge vendu au SOUK cette année

Sa première production, les vases de Verre d’onge, n’a été lancée que l’an dernier. « Cette série-là, je l’ai commencée pour faire un cadeau, raconte l’artisan, puis j’ai décidé d’en faire un projet pour le SOUK 2019. » L’accueil a été très favorable, et Verre d’onge est de retour en 2020 pour ce marché de designers qui se tient en ligne jusqu’au 17 décembre. Il était possible l’an dernier de faire son propre ensemble à partir d’une série de pièces aux tons variés, mais la vente virtuelle a changé la donne. Cette année, un seul ensemble, fait de verre bleu, est proposé (665 $). Il sera produit en 10 exemplaires tout au plus. Mais on peut aussi se procurer des créations de Jérémie St-Onge chez Éditions de robes, à Montréal. Et sur le site de Verre d’onge, où l’on trouve des pièces à prix variés.

  • Les vases de Verre d’onge

    PHOTO FOURNIE PAR VERRE D’ONGE

    Les vases de Verre d’onge

  • Les vases de Verre d’onge

    PHOTO FOURNIE PAR VERRE D’ONGE

    Les vases de Verre d’onge

  • Les vases de Verre d’onge

    PHOTO FOURNIE PAR VERRE D’ONGE

    Les vases de Verre d’onge

  • Les vases de Verre d’onge

    PHOTO FOURNIE PAR VERRE D’ONGE

    Les vases de Verre d’onge

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De l’aveu même de Jérémie St-Onge, ses vases sont loin d’être parfaits, techniquement parlant. Leur délicate asymétrie est toutefois pleinement assumée.

Je suis sensible à la technique, mais mon travail stylistique est plus important que la poursuite de la perfection. Je m’attarde surtout à l’authenticité, à la composition, aux formes, aux couleurs, et aussi aux effets du hasard.

Jérémie St-Onge, souffleur de verre, créateur de Verre d'onge

« Imperfectionniste », Jérémie St-Onge n’entend pas pour autant se détourner de sa formation chez Baba Jaga, sous les auspices de Pavel Cajthaml, un maestro qui a été formé en Tchéquie, l’un des deux pôles mondiaux de la communauté verrière (avec l’Italie). « Je ne le ferai pas au prix de ma créativité, dit l’apprenti, mais j’aimerais quand même bien devenir maître à mon tour. »

D’ici là, il continuera de commencer à souffler pour son maestro des pièces commandées par des fabricants de luminaires comme Lambert & fils, Gabriel Scott ou l’Atelier Anaka. Il se laissera aussi encore inspirer par les créations colorées du souffleur italien Davide Fuin, le verre vénitien du XVIsiècle, les vases de l’Égypte antique et l’architecture d’Antonio Gaudí, notamment. Et dans un avenir assez proche, espère-t-il, Jérémie St-Onge donnera un second souffle à Verre d’onge avec ses propres luminaires, mais aussi des récipients et des plats qui viendront, à leur tour, peupler son joli univers de verre.

> Consultez le site web de Verre d'onge

> Consultez le site web du Souk

Monstres poilus et autres créatures de tissus

C’est à 10 ans que Steven Barkley a eu la piqûre pour les marionnettes.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

L’artisan Steven Barkley a été très inspiré, enfant, par l’émission de télévision The Muppet Show…

« Mon frère et moi étions de grands fans de l’émission The Muppet Show. On s’est mis à faire des marionnettes avec tout ce qui nous tombait sous la main. Ma mère faisait de la couture et elle nous a montré à se servir de sa machine à coudre. Ma grand-mère travaillait aussi pour des riches de Westmount et elle nous rapportait parfois des trésors : des vieux smokings, des chapeaux… »

PHOTO FOURNIE PAR DIABLO PUPPETS

Cet extraterrestre aux yeux écarquillés est muni d'un «petit klaxon» qui couine lorsqu'on l'écrase. C'est le cas de toutes les marionnettes de Steven Barkley.

La voie était pavée… Les deux frères Barkley ont étudié les arts plastiques au collège Dawson, puis à l’Université Concordia. L’un s’est tourné vers la peinture. L’autre a plutôt opté pour le design graphique avant de rapidement revenir à ses anciennes amours… « Lorsque j’étais étudiant, je travaillais pour une boutique de marionnettes du Vieux-Montréal qui me demandait de faire des copies de personnages de Sesame Street… »

  • Les marionnettes créées par Steven Barkley rappellent celles de l’émission de télévision The Muppet Show.

    PHOTO FOURNIE PAR DIABOLO PUPPETS

    Les marionnettes créées par Steven Barkley rappellent celles de l’émission de télévision The Muppet Show.

  • Ce monstre poilu, baptisé Fuzz, est l’un des plus populaires sur la page Etsy de l’artisan.

    PHOTO FOURNIE PAR DIABOLO PUPPETS

    Ce monstre poilu, baptisé Fuzz, est l’un des plus populaires sur la page Etsy de l’artisan.

  • Un abominable monstre des neiges, tel qu’imaginé par Steven Barkley.

    PHOTO FOURNIE PAR DIABOLO PUPPETS

    Un abominable monstre des neiges, tel qu’imaginé par Steven Barkley.

  • Certaines des marionnettes sont fabriquées en tissu polaire, comme cette petite fille.

    PHOTO FOURNIE PAR DIABOLO PUPPETS

    Certaines des marionnettes sont fabriquées en tissu polaire, comme cette petite fille.

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Parallèlement, Steven Barkley a commencé à développer ses propres modèles de marionnettes en tissus et a fondé son entreprise, Diabolo Puppets. Aujourd’hui, le Lavallois règne sur une galerie de personnages pour le moins hétéroclites : des monstres hirsutes, des animaux rigolos, des extraterrestres cyclopes… Certaines marionnettes se glissent simplement à la main, d’autres sont munies de baguettes métalliques pour faire bouger les bras de chiffon. Toutes sont archicolorées et peuvent tout aussi bien servir comme jouets que comme objets décoratifs.

Avec le temps, des modèles destinés à un usage professionnel se sont ajoutés : le corps est plus long, les baguettes aussi, pour qu’on puisse animer les marionnettes plus facilement devant une caméra. D’ailleurs, certaines des créations de Steven Barkley ont pu être vues dans la websérie En audition avec Simon.

Je suis encore très inspiré par The Muppet Show, avec mes marionnettes dont on peut faire bouger la bouche.

Steven Barkley, marionnettiste, fondateur de Diabolo Puppets

« Les modèles changent un peu chaque année, notamment selon les tissus que j’arrive à trouver. Pour les yeux, je les fais venir en paquets de 10 000 depuis la Corée du Sud. J’ai un entrepôt d’yeux dans mon garage ! », dit l’artisan de 57 ans.

Aidé par son beau-père à la retraite et une couturière âgée de 82 ans – qui refuse de prendre sa retraite pour l’instant –, Steven Barkley fabrique toutes ses petites créatures de tissus à la main, dans le sous-sol de sa résidence de Laval-Ouest.

« Tout est cousu, dit-il. Par contre, je fais les marionnettes en série pour qu’elles ne coûtent pas trop cher. Je peux passer un mois sur un seul modèle à coudre toutes les têtes, puis tous les yeux, puis tous les bras… Ainsi, je peux vendre mes marionnettes autour de 60 $ chacune, pas 200 $. »

Pendant des années, ces marionnettes ont courtisé les clients, petits et grands, au Salon des métiers d’art de Montréal. « Au Salon, il arrivait parfois que des enfants reconnaissent une marionnette qui était utilisée en classe par leur professeur, se rappelle Steven Barkley. J’ai participé à mon premier Salon des métiers d’art en 1992. En 2020, ce sera la toute première fois que je n’irai pas. D’habitude, j’assiste aux salons d’artisans de Vancouver, Ottawa, Toronto et Montréal ; j’y gagne 80 % de mon salaire annuel. Cette année, tous ces salons ont tous été annulés en raison du coronavirus. »

Heureusement, les ventes sur sa page Etsy ont décollé depuis mars dernier. « Je vends 10 fois plus qu’avant par l’internet. Je ne sais pas pourquoi. Je pense qu’avec la pandémie, les gens cherchent à amuser leurs enfants ou bien ils veulent produire des petits films sur YouTube. Je vois souvent mes marionnettes sur YouTube. Chaque fois, je suis surpris… »

> Consultez le site web Etsy

> Consultez le site web de Diabolo Puppets

Ceci n’est pas un ukulélé

Enfin si, mais pas que. C’est que Laurence Perreault, à qui l’on doit tous ces magnifiques objets de bois – ukulélés, mais aussi stylos, ouvre-bouteilles, boutons – entièrement faits main, et surtout de manière artisanale (et plus encore !), a découvert en son art une véritable thérapie. L’art de se sentir enfin en vie, en mieux, et en bien, et de donner en prime au prochain. Qui dit mieux ?

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

Laurence Perreault, ébéniste

« Ma démarche artistique, moi, c’est une démarche de guérison », explique d’emblée l’ébéniste, rencontrée la semaine dernière dans son atelier de Joliette, un joyeux bordel ordonné, respirant la créativité.

C’est par un sacré détour que cette mère de famille, infirmière de métier, en est arrivée à l’ébénisterie. Un détour unique. Insoupçonné. Au départ malheureux. Car ainsi va la vie. Pensez-y : infirmière (à distance) pour une communauté autochtone de la Basse-Côte-Nord, elle n’avait jusqu’à tout récemment pour ainsi dire jamais touché au bois. Enfin, pas plus que vous et moi. La musique ? À part avoir joué un peu de flûte ou de clarinette au secondaire, et avoir eu, se souvient-elle vaguement, un saxophone « à un moment donné », pas davantage. Mais on devine en elle une autodidacte-née, un brin surdouée. Et on devine juste. Mais on s’éloigne du sujet.

Car voilà qu’il y a cinq ans, sa mère est morte. Et Laurence Perreault l’a pris dur. Disons très dur. Et c’est là qu’elle a eu un éclair de génie, qui lui a « littéralement » sauvé la vie. « Qu’est-ce que je vais faire ? Je vais faire ce que je prêche à tous mes clients, résume-t-elle. Trouver le petit plaisir. » Et pour elle, ce « petit plaisir » s’est avéré être le bois.

Je me suis rendu compte que j’aimais toucher le bois, sentir le bois…

Laurence Perreault, ébéniste

Il faut savoir qu’à la même époque, elle venait d’acheter un petit ukulélé à son fils (« un vert, de chez Archambault, à 40 $ »), et la famille a eu le coup de foudre. « On est devenus accros ! Et peu à peu, on a appris des accords. » De fil en aiguille, et de tutoriel en tutoriel, après les partitions, Laurence Perreault est tombée sur des modèles d’ukulélés. Des plans, carrément. Et l’autodidacte en elle a plongé. Tête première.

« Je venais de vendre ma moto, alors je me suis acheté des outils », enchaîne-t-elle, comme si cela allait de soi. Scie sauteuse, tour à bois, banc de scie, elle a tout appris seule (en ligne), sur le tas (de bois). « Et en travaillant ce morceau de bois, ça m’a calmée », dit-elle, avec ce qu’on soupçonne être un large sourire, dissimulé derrière son masque (COVID-19 oblige). « Je me suis rendu compte qu’en plus du plaisir de jouer, j’avais là un apaisement. […] Et que c’est dans la création que je réalise le meilleur de moi-même… »

Parlant de COVID-19, précisons que la pandémie lui a grandement (et étrangement) servi : sa communauté autochtone (Pakua Shipi) étant fermée (n’ayant pas vu la moindre trace du virus), tout est tombé au ralenti là-bas, et Laurence Perreault a donc pu se consacrer à sa nouvelle passion (ou sa nouvelle thérapie).

  • Premières créations de l’ébéniste autodidacte, les ukulélés demeurent les objets que Laurence Perreault préfère fabriquer.

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Premières créations de l’ébéniste autodidacte, les ukulélés demeurent les objets que Laurence Perreault préfère fabriquer.

  • Gravée sur chaque ukulélé, l’inscription « me tikat » signifie « doucement » en innu.

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Gravée sur chaque ukulélé, l’inscription « me tikat » signifie « doucement » en innu.

  • Les créations de Laurence Perreault, surnommées « les mille morceaux », sont très diverses : ici, boucles d’oreille, bague et collier sont au nombre des bijoux qu’elle fabrique.

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Les créations de Laurence Perreault, surnommées « les mille morceaux », sont très diverses : ici, boucles d’oreille, bague et collier sont au nombre des bijoux qu’elle fabrique.

  • Des boutons décoratifs en bois de vigne rouge

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Des boutons décoratifs en bois de vigne rouge

  • Des tire-bouchons

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Des tire-bouchons

  • Des stylos

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Des stylos

  • Des rasoirs

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Des rasoirs

  • Des blocs à crayons. Elle fabrique également des blocs à couteaux.

    PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

    Des blocs à crayons. Elle fabrique également des blocs à couteaux.

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Outre le bois (d’érable, de cerisier, de noyer), elle s’est mise à « tripper » sur la résine (de cocottes, de glands, d’os de moutons, d’os de cornes), elle a appris à mélanger et stabiliser le tout, pour faire une foule de beaux objets divers et de luxe. « Et avec les retailles, je fais des bougies ! » Elle mijote ces jours-ci un prototype de guitare, en plus d’un établi portatif. Mais ce qu’elle préfère, ce sont toujours les ukulélés.

« L’ukulélé a été le point de départ et le point d’arrivée. Parce que je décore maintenant avec des retailles. Plus j’évolue, et plus mes ukulélés sont décorés. »

D’ailleurs, si vous les regardez de près, vous verrez que chaque ukulélé a ce mot innu gravé : « me tikat », qui signifie « doucement ». Une douceur qui habite désormais Laurence Perreault, et qu’on se souhaite à tous en ces temps troublants, justement.

> Consultez le site web de Perreault créations

Un éléphant dans mon salon

Nadine Hajjar a grandi au Liban, étudié à Milan, puis déménagé ici, à Montréal, pour changer de vie. Littéralement. La jeune designer s’est recyclée en « artiste du bois » et marie désormais toutes ses habiletés pour créer des figurines, luminaires et autres objets de déco, à la fois pratiques, beaux et… apaisants.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

La designer et artiste du bois Nadine Hajjar

Apaisants ? Parfaitement. Assise dans son lumineux bureau de la rue Masson, à quelques portes de son atelier (nettement plus poussiéreux, quoiqu’aussi magnifiquement éclairé), le constat est frappant : il y a effectivement un calme qui se dégage de ses éléphants, bélugas et autres boules de bois. Une douceur. Au toucher, évidemment, mais aussi une forme de doux ambiant, quelque part. Ça se sent.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

De petits éléphants en bois signés Nadine Hajjar

« J’ai grandi dans un environnement très stressant. Très agressif. L’ébénisterie m’a apporté une paix », confie-t-elle d’une voix douce, entre deux gorgées de thé.

Quand je rentre dans l’atelier, j’oublie ce qui se passe. Pendant huit heures, je ne pense à rien. Je suis dans ma bulle et j’oublie toutes les misères du monde…

Nadine Hajjar, artiste du bois

Après avoir fait un baccalauréat en architecture d’intérieur, puis une maîtrise en design, donc, et malgré un bon job à Beyrouth, Nadine Hajjar a décidé de tout plaquer. « C’est difficile de vivre au Liban. La situation n’est jamais stable. Il n’y a jamais de bonnes nouvelles. J’avais besoin d’un changement drastique. » Et elle a atterri ici, sans famille ni amis. Sans travail, surtout. Et elle ne le cache pas : « Ç’a été dur. Très dur. » Or voilà qu’un jour, et tout à fait par hasard, elle est passée à vélo devant l’École d’ébénisterie d’art de Montréal. « C’est ça », s’est-elle dit. Et ainsi se transformait sa vie. Après tant d’années à l’université, là voilà qui retournait sur les bancs de l’école, pour apprendre à travailler de ses mains, cette fois. Pour apprendre à créer à partir de rien. Ou plutôt si : à partir du bois. Un travail qui l’avait toujours interpellée, mais qu’elle n’avait jusqu’ici jamais exploité. « Et je ne regrette rien, précise-t-elle tout sourire, ç’a été de très belles années. »

  • Des appuie-livres en forme d’ours

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Des appuie-livres en forme d’ours

  • Des plats de service

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Des plats de service

  • Des sous-verre

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Des sous-verre

  • Une lampe en bois

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Une lampe en bois

  • Un miroir et des chandeliers

    PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

    Un miroir et des chandeliers

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Aujourd’hui, elle invente toutes sortes d’objets, des meubles, aussi, et du sur-mesure, et y insuffle sa touche de designer. C’est ainsi que ses bélugas sont aussi des presse-papiers et ses ours, des appuie-livres. « Il y a toujours une petite histoire, ou une anecdote, derrière mes objets », dit-elle, en présentant ses plateaux triangulaires, conçus pour servir le pain pita (libanais, il va sans dire), accompagné du bol (pour le houmous, il va sans dire à nouveau).

Et pourquoi des éléphants, au fait ? « J’adore les animaux, mon inspiration vient beaucoup de la forme animale et végétale. La barrière de corail, les baleines, c’est organique », répond-elle. Et cette organicité a un je-ne-sais-quoi d’apaisant, disions-nous. « Oui, je trouve que les formes organiques apportent de la douceur à l’œil, au toucher. C’est confortable, comme le corps humain. C’est lisse, c’est doux. Et je sens qu’on a besoin de douceur, aujourd’hui, surtout… »

D’ailleurs, la pandémie ne lui a pas trop nui, conclut-elle en riant. « Ma vie s’est améliorée ! Les gens passent beaucoup de temps à la maison, du coup ils ont besoin de meubles. Et il y a une tendance à acheter local. Les gens ne voyagent plus, ne vont plus au resto, ne dépensent plus sur la culture, mais sur eux-mêmes, et sur la maison ! Et c’est sûr que c’est thérapeutique. Quelque part… on se gâte ! »

> Consultez le site web de Nadine Hajjar Studio

Confetti au naturel

Atelier Confetti Mill, c’est une histoire d’amour pour la fibre naturelle qu’est le lin et le résultat d’un mariage entre le Québec et la Turquie, pays d’origine de sa fondatrice, Özge Ünal Harvey. Depuis 2018, l’artisane fabrique des articles de cuisine en lin tout simples, mais de grande qualité.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Özge Ünal Harvey fabrique divers objets en lin pour la maison dans son atelier d’Hochelaga-Maisonneuve.

« Le fait d’entrer dans une maison où il y a une nappe en lin sur la table, ça m’amène à penser : “il y a une vie ici, c’est chaleureux. Il y a quelqu’un qui cuit des biscuits dans la cuisine !” C’est très élégant. Le lin est tout simple, mais il parle pour soi », dit Özge Ünal Harvey, qui nous reçoit dans le doux univers de son atelier, bercé par les airs de piano d’Alexandra Stréliski.

PHOTO TIRÉE DU SITE WEB D'ATELIER CONFETTI MILL

Le lin est reconnu pour sa capacité absorbante. Offerts en cinq couleurs, ces linges à vaisselle sont vendus au coût de 27$ chacun.

Arrivée à Montréal en 2010, après avoir rencontré un Québécois qui deviendra son mari, Özge Ünal Harvey a fondé Atelier Confetti Mill avec le désir de réunir ses deux pays : celui qui l’a adoptée et celui qui l’a vue naître.

« Plutôt que vivre en mode “J’ai une vie à Montréal et une vie à Istanbul et quand je suis à Montréal, Istanbul me manque et vice-versa”, je me suis demandé comment tourner ça à mon avantage et j’ai décidé de lancer un projet qui ferait le pont », dit celle qui a travaillé pendant plusieurs années à la production et la promotion des arts visuels. En plus de confectionner des articles en lin provenant de la Turquie, elle importe et vend, dans sa boutique en ligne, des objets faits à la main par des artisans turcs comme des peshtemals (serviettes de bain) ainsi que des accessoires en bois ou en marbre.

Mais le lin est au cœur de son projet.

  • Depuis les débuts d’Atelier Confetti Mill, Özge Ünal Harvey privilégie les teintes douces pour la confection de ses produits. Elle souhaite introduire prochainement de nouvelles couleurs, dont le rouge terracotta (terre cuite).

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Depuis les débuts d’Atelier Confetti Mill, Özge Ünal Harvey privilégie les teintes douces pour la confection de ses produits. Elle souhaite introduire prochainement de nouvelles couleurs, dont le rouge terracotta (terre cuite).

  • Ces sacs en lin, inspirés des sacs japonais Azuma Bukuro, peuvent également servir à emballer des cadeaux.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    Ces sacs en lin, inspirés des sacs japonais Azuma Bukuro, peuvent également servir à emballer des cadeaux.

  • À l’invitation d’Etsy, Atelier Confetti Mill a collaboré avec la blogueuse américaine Tieghan Gerard, de Half Baked Harvest, pour la création d’une mitaine de four et d’un sous-plat.

    PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

    À l’invitation d’Etsy, Atelier Confetti Mill a collaboré avec la blogueuse américaine Tieghan Gerard, de Half Baked Harvest, pour la création d’une mitaine de four et d’un sous-plat.

  • Ce tablier de jardinier s’attache sur les côtés et se transforme en sac de récolte en un tournemain. Il vient avec un sac supplémentaire. Il est offert sur le site web du SOUK au coût de 135 $.

    PHOTO TIRÉE DU SITE WEB DU SOUK

    Ce tablier de jardinier s’attache sur les côtés et se transforme en sac de récolte en un tournemain. Il vient avec un sac supplémentaire. Il est offert sur le site web du SOUK au coût de 135 $.

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Le lin, c’est une vie ! D’abord, c’est une fibre naturelle, mais même parmi les fibres naturelles, je pense que c’est la plus noble.

Özge Ünal Harvey, fondatrice d’Atelier Confetti Mill

Il faut apprendre, selon elle, à en accepter le côté froissant. « Ce n’est pas un défaut. C’est justement son avantage, ce qui le distingue et lui donne plus de caractère. »

C’est aussi ce qui le rend plus difficile à travailler. « À la coupe, c’est un défi, remarque Özge. Ça bouge beaucoup. Le coton, on peut le mettre en pile et le couper. Mais le lin, il faut être méticuleux pour s’assurer que c’est bien fait. »

N’ayant pas de formation en couture, elle a appris par elle-même en regardant des tutoriels sur YouTube. « Quand je suis déménagée ici, j’avais beaucoup de temps, se souvient-elle. Un travail à temps partiel et pas tant d’amis. Alors, j’ai trouvé une machine à coudre et j’ai commencé à faire des petites choses très simples. »

Alors enceinte de son premier enfant, elle décide de lancer Atelier Confetti Mill en 2018. L’une de ses premières pièces a été un tablier ajustable, facile à enfiler, qu’elle confectionne encore. Les linges à vaisselle, les serviettes de table, les demi-tabliers et les masques (pandémie oblige) ont suivi.

Juste à temps pour le marché virtuel du SOUK, auquel elle participe de nouveau cette année, Özge a créé un nouveau tablier, inspiré de l’engouement observé l’été dernier pour le jardinage. Adepte des collaborations, elle s’est aussi jointe à Etsy et à la blogueuse américaine Tieghan Gerard, de Half Baked Harvest, pour la création d’une mitaine de four et d’un sous-plat.

Mes produits sont toujours à l’intersection de la simplicité et de la fonction.

Özge Ünal Harvey, fondatrice d’Atelier Confetti Mill

« Il y a quelque chose que j’admire beaucoup dans l’esthétique japonaise, alors je pige un peu dans les deux cultures, Je regarde en Turquie, au Japon, je mijote tout ça et je sors une recette à ma façon. Après, les linges à vaisselle, c’est juste des rectangles ! »

« Mais des beaux rectangles ! », répond sa collègue Nina Matsuo. Depuis le printemps dernier, Özge est aidée de Nina et de Judith Pellerin, principalement pour la couture, ainsi que de quelques autres collaborateurs. Özge et Nina se sont rencontrées dans un cours de patronage, interrompu en cours de route en raison de la pandémie.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Couturière, Nina Matsuo est aussi le bras droit d’Özge Ünal Harvey chez Atelier Confetti Mill.

C’est aussi depuis le printemps dernier qu’Atelier Confetti Mill dispose de son propre espace, un local situé dans une ancienne fabrique de chaussures dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Depuis, les commandes ne faiblissent pas. D’Iqaluit à l’Angleterre, en passant par New York, les produits de Confetti se retrouvent dans des foyers de partout.

« J’ai des clients qui sont des céramistes, des fleuristes, des clients qui l’utilisent dans leur jardin, dans leur cuisine, souligne l’artisane. J’aime les imaginer utiliser mes produits. Entrer dans le quotidien des gens par des objets utilitaires, mais en même temps de très haute qualité, c’est ce qui me rend heureuse. »

> Consultez le site d'Atelier Confetti Mill

> Consultez le site Etsy